CR Réunion débat IRSN 4 mars 2013
Compte-rendu de la réunion-débat avec Didier Champion (IRSN) sur la situation environnementale 2 ans après l’accident de la centrale de Fukushima
(Lundi 4 Mars à l’Institut)
Didier Champion est directeur de la cellule de crise de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) qui s’occupe de la gestion en cas de crise nucléaire et particulièrement de la situation post-crise et des conséquences sur la population. Il a parlé environ 40 min et le reste du temps (~30 min) a repondu aux questions en présence de Christophe Xerri, le conseiller en énergie nucléaire de l’Ambassade.
Il a tout d’abord présenté la situation actuelle à la centrale de Fukushima Dai-ichi puis les conséquences sur l’environnement ainsi que les contrôles alimentaires. La plupart des données qui ont été présentées, provenaient des mesures faites par le gouvernement japonais (cf le site du MEXT: http://radioactivity.mext.go.jp/en/) et non de mesures faites par l’IRSN elle-même ou de mesures indépendantes faites par des associations type ONG. Voir le dossier (Fukushima un an après) sur le site de l’IRSN qui sera réactualisé sous peu
1- la situation à Fukushima Dai-ichi:
- les réacteurs #1 à #3 qui étaient en activité au moment de l’accident sont correctement refroidis entre 20-50oC, avec toujours injection d’azote pour prévenir les risques d’explosion et injection d’eau douce 100m3/h. Les combustibles a l’intérieur ont fondu et seraient donc en dessous des cuves (risque de diffusion).
- le réacteur#4 qui était à l’arrêt au moment de l’accident, pose le plus de problèmes en raison de l’état de la piscine. Une évacuation des 1500 combustibles toujours présents à l’intérieur est prévue pour fin 2014 mais pose des problèmes techniques dans sa réalisation.
- Un accident sur le site est toujours possible mais pas de l’ampleur de celui de Mars 2011 tout de même.
- il semble y avoir toujours un rejet diffus de radioactivité dans l’environnement provenant des bâtiments endommagés mais qui ne serait que local. Par contre, le rejet en mer est réel, bien que lui aussi diffus. Un shéma du projet de couverture des bâtiments pour limiter la diffusion atmosphérique a été présenté. De plus, TEPCO a commencé à mettre en place un filet pour éviter la sortie des poissons trés radioactifs de la zone mais qui ne concernerait que la proximité directe de la centrale.
- Une diapo du plan de travail TEPCO a été présentée:
a) à court terme (d’ici cette année): reprise du controle progressif de l’ensemble des réacteurs.
b) à long terme: avec en phase #1, le retrait de tous les combustibles surtout du réacteur #4 et au final dans 40-50 ans le démantèlement complet du site .
2- les conséquences environnementales:
- Les 2 épisodes les plus graves de fuite radioactive dans l’atmosphère ont eu lieu les 15-16 Mars et les 20-22 Mars 2011 (voir les cartes avec la projection de la contamination à partir de la centrale et les degrés de contamination sur le site du MEXT). M Champion a expliqué que la décroissance naturelle de certains éléments, en particulier iode131 et césium134 qui ont des 1/2 vies plus courtes (8 jours et 2 ans, respectivement) est responsable de la diminution de la contamination enregistrée actuellement. Mais par la suite, il y aura peu d’amélioration hélas puisque le cesium137 a une 1/2 vie de 30 ans. Les cartes comparant la contamination enregistrée (en dose de rayonnement ambiant) en Novembre 2011 versus Novembre 2012 sont sur le site du MEXT et seront disponibles bientôt sur celui de l’IRSN. A noter tout de même qu’au voisinage de la centrale la contamination persiste ce qui fait supposer qu’il y ait une diffusion permanente.
- La contamination des forêts par le césium (Cs) est un grave problème environnemental puisque les forêts représentent 70% des surfaces contaminées. Elles seraient en grande partie responsables du relargage permanent de la contamination dans l’atmosphère, dans les rivières et au final dans la mer (cycle pluie-évaporation-chute des feuilles). Mais il est difficilement envisageable de les couper toutes !
3- la situation alimentaire:
- les contrôles sur la nourriture sont faits par échantillonnage mais sont faits a posteriori : c’est à dire après commercialisation. Sauf dans la zone de Fukushima où ils sont systématiques. Si les mesures sont inférieures 3 fois de suite aux limites officielles, la commercialisation est autorisée mais la surveillance persiste.
- La mise en place et gestion de ces contrôles ne sont pas très bien expliquées par le gouvernement japonais, en particulier la visibilité des résultats. Toutefois il est rassurant de constater que:
- le nombre de contrôles a augmenté en 2012,
- les produits des 47 préfectures du Japon sont contrôlées et pas seulement ceux provenant du Nord-Est
- les limites admissibles ont été revues à la baisse < 100Bq(Bequerel)/kg et sont même inférieures aux limites autorisées pour les produits venant de Biélorussie (depuis l’accident de Chernobyl).
- Le % de produits trouvés contaminés et donc interdits à la consommation baisse avec le temps … mais cela peut etre simplement lié au fait que les contrôles aient été élargis aux autres préfectures.
4- D’un point de vue pratique et suite aux questions du public:
- mieux vaut s’approvisionner dans les grands circuits de distribution où les contrôles sont faits (a priori..) que directement chez les propriétaires terriens qui n’ont peut être pas la possibilité de vérifier
- mieux vaut rester prudent pour certains produits de la zone Nord-Est: le gibier (sanglier..), les champignons et produits de la forêt (sansai), les pousses de bambous, certains poissons qui vivent dans rochers et/ou en profondeur (raie)
- à noter que la contamination des produits à large feuilles genre épinard très contaminés en Mars 2011 (par l’Iode 131), a fortement diminuée puisque cet élément a disparu (décroissance naturelle). Par contre, bien que la contamination par les racines soit en général inférieure à celle par l’atmosphère, le riz et le soja sont à vérifier (contamination par l’eau, problème des forêts)
- M Champion a confirmé qu’on pouvait boire l’eau du robinet de Tokyo quoiqu’il ne soit pas au courant des augmentations observées dans certaines zones (cf site du MEXT)
- Il n’avait pas non plus de précisions sur les niveaux de contamination radioactive des incinérateurs de la région de Tokyo et le risque pour l’atmosphère et l’eau. Voir à ce propos le site du National Institute of Environnemental Studies pour le traitement des déchets radioactifs pour limiter la contamination (http://www.nies.go.jp/shinsai/index-e.html)
- A la question sur les risques de cancers (thyroide, leucémies) il a simplement dit que le risque existait pour les populations vivant dans les zones contaminées mais sans plus de précisions car il n’est pas médecin. A ce propos, voir le dossier préparé par l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale): “le double visage de l’atome” (ici) qui explique les risques médicaux de l’exposition aux faibles et fortes radiations (cf p28-29).